Il s'était malencontreusement réveillé à quatre heures du matin. Pas plus, pas moins. Pour la simple et très mauvaise raison que les chiens du quartiers avaient, cette nuit, eu la bonne idée d'aboyer à chaque fois qu'un véhicule ou qu'un être humain passait. Sa résidence se trouvant en plein milieu du centre ville de Séoul, il n'est pas difficile de deviner que la nuit de Moon Kelsey fut très courte, presque autant que tous les habitants du quartier. Le temps passer à tourner et retourner dans son lit dans cette chaleur ambiante ne lui avait pas servi à grand-chose et c'était pour cela qu'il s'était levé très tôt, rejoignant son salon et s'installant sur sa table afin de réviser un peu sa médecine. C'était horriblement compliqué à étudier mais, étrangement, il avait toujours eu les idées plus claires au beau milieu de la nuit. Dans la pénombre et le calme, il parvenait toujours à réfléchir davantage et prendre de meilleures décision qu'en plein milieu de l'après-midi même s'il était également dans le calme. La nuit avait toujours eu quelque chose de réconfortant à ses yeux. Le seul moment de la journée où il avait pu se retrouver dans son enfance, sans sa mère sur son dos et son horrible voix qui lui ordonnait de ne pas être gay, sans le bruit incessant des coups de fouet et sans la douleur qu'il ressentait à chaque fois que ce même objet claquait contre son pauvre corps. C'était une triste vérité, beaucoup prônaient la liberté, mais peu la respectaient. L'homosexualité était encore considéré comme un fléau, de nos jours, au même titre que le racisme. Beaucoup disaient s'en ficher, beaucoup affirmait n'en avoir rien à faire et ne pas être dérangés, mais quatre-vingt-dix-neuf pour cent de ces personnes-là le disaient uniquement pour faire bonne figure et pour ne pas être montré du doigt. Oui, parce que de nos jours, l'hypocrisie était encore plus prônée que quoi que ce soit d'autre. Triste vérité. Il était donc resté toute la nuit debout, simplement vêtu d'un short, à bosser sur les quelques points qu'il n'était pas certain d'avoir bien suivi pendant les cours et, miraculeusement, tout s'était dénoué dans sa tête. Et c'était à ce moment-là qu'il avait reconsidéré l'idée de bosser la nuit plutôt que le jour – mais parce qu'il n'était pas insomniaque et qu'il avait trop besoin de dormir pour tenir sur ses deux jambes, il avait laissé tomber son plan. Le soleil avait pointé le bout de son nez vers les sept heures du matin, faisant chanter les oiseaux et taire les chiens, quand Kelsey s'était éveillé, de grosses traces de stylo imprimées sur le visage alors qu'il s'était frotté les yeux, saluant rapidement sa petite sœur qui était passée par là, se préparant pour aller travailler. Il lui avait souri et ne l'avait pas quittée des yeux pendant un long moment, pris d'une certaine nostalgie. Depuis combien de temps ne s'était-il pas retrouvé seul avec sa petite sœur ? La question pouvait sembler idiote dite ainsi puisqu'ils vivaient ensemble, mais tous les deux ne se voyaient pratiquement plus, vaquant à leurs occupations chacun de leur côté en banalisant le fait de vivre ensemble – et sincèrement cela attristait énormément Kelsey. Mais que pouvait-il y faire ? C'était également de sa faute. Il lui avait préparé ses affaires, son déjeuner, même si elle avait longuement boudé en lui disant qu'elle n'était plus une gamine et, après s'être habillé et avoir pris sa douche, il lui avait déposé un baiser sur le front, quittant la pièce afin de rejoindre sa faculté. Aussi étrange cela puisse paraître, il ne s'était pas endormi dans l'amphithéâtre, il avait suivi les cours avec attention, que ce soit aussi bien le matin que l'après-midi. Ses cours étant rapprochés, il n'avait malheureusement pas bien eu le temps de manger entre et, même si son ventre avait crié famine, il s'était accroché tout le long, accusant les regards des autres élèves qui, bien que dans le même cas que lui, n'avaient pas la chance d'avoir leur ventre hurler si fort. Un concert de gargouillements avait eu lieu dans l'amphi au point même que, par chance, le professeur les avait fais sortir une demi-heure à l'avance, tous les étudiants se ruant sur le premier magasin de nourriture au coin de la rue.

C'est donc en faisant un détour que le jeune homme s'était retrouvé confronté à une bien difficile épreuve. Assis sur le banc d'un parc quelconque, il mangeait en observant la nature comme il aimait si bien le faire. C'était uniquement dans ses conditions qu'il avait l'impression de vivre, d'être libre de tout et de tout mouvement. Il se sentait capable de tout et de n'importe quoi, il respirait l'air de la ville qui, bien que pollué, lui faisait un bien fou. Le soleil tapait sur Séoul sans retenue mais, abrité par les arbres, Kelsey ne sentait que la chaleur et le vent sur sa peau, il ferma les yeux, digérant en prenant du bon temps, allongé sur son banc. Le paysage était paisible, les bruits des véhicules ne le dérangeaient pas plus que cela, quand il avait entendu un cri, au loin, se redressant subitement, il avait remarqué une bande d'étudiants qui s'amusaient à embêter une étudiante, coincée contre le mur du parc. L'Anglo-Coréen avait plissé le nez, pas certain de voir ce qui se passait sous ses yeux, mais dans le doute, il avait tout de même préféré se relever, marchant très lentement jusqu'à ce petit tas de personnes, jusqu'à ce qu'il se rende réellement compte que, celui qui semblait être le leader, faisait des avances beaucoup plus que douteuses à la jeune fille qui ne savait décidément pas comment y répondre. Une fois qu'il fut près d'eux, l'un des types avait tourné la tête vers lui, tapant sur l'épaule de son second, il s'était mis à ricaner. « Tiens, tiens. Mais n'est-ce pas ce cher Moon Kelsey ? Hey, Jun Ki, arrête de draguer cette fille, il va être jaloux. C'est pour ça que tu es là, non ? Sale tapette. » Le destinataire avait simplement haussé un sourcil, décidant d'ignorer du mieux qu'il pouvait ces crétins qui n'avaient de cesse que de l'attaquer sur son orientation sexuelle qui, en soit, ne les regardait absolument pas. Il s'était approché vers la jeune fille, lui avait souris avant de lui tendre sa main qu'elle avait pris, pas certaine de tout comprendre, et il l'avait entrainée au loin, à l'opposé du parc, sous le regard médusé des autres qui l'avait évidemment suivi, continuant de cracher leur venin au visage de Kelsey. L'un d'eux avait posé sa main sur son épaule, le faisant s'arrêter de marcher et, les ignorant toujours, il avait simplement souri une dernière fois à la jeune fille. « Cours vite et loin, d'accord ? Rentre chez toi. » Elle avait haussé la tête, ayant gardé cette expression d'incompréhension quoi que ses traits s'étaient déformés légèrement en traits de tristesse quand elle avait comprit ce qui attendait son sauveur. S'exécutant cependant, elle l'avait remercié les larmes aux yeux avant de courir vite et loin comme il lui avait ordonné. Perdant son sourire et toute lueur joyeuse dans ses yeux, il s'était retourné, grimace affichée sur le visage, et alors qu'il fermait les yeux d'appréhension et de peur, il s'était reçu le premier coup, immédiatement porté à son visage, lui coupant la respiration l'espace de quelques secondes. Secoué, il avait secoué la tête, soupirant avant de refermer les yeux, ne se recevant plus un, mais plusieurs coups portés par la bande au grand complet qui exprimaient également verbalement combien ils détestaient les homosexuels, combien ils étaient des reclus de la société et, surtout, combien il fallait les enfermer dans un hôpital psychiatrique pour leur remettre les idées en place. À force de se prendre des coups, il n'avait plus ressentis la douleur, son cerveau faisant complètement abstraction de tout mis à part des souvenirs de sa mère qui effectuait la même chose. Il était habitué à la douleur, cela ne lui faisait plus rien. Il ne ressentait plus rien si ce n'était que cette affreuse douleur poignante dans sa poitrine – le rejet de l'homosexualité était encore un sujet contemporain qui, évidemment, concernait beaucoup le jeune homme, et cela l'attristait toujours autant de constater à quel point les gens étaient fermés d'esprit, à quel point ils étaient encore considérés comme des malades mentaux, à quel point les personnes voulaient les exclure en les faisant se sentir différemment alors qu'au final, tout le monde était fais pareil. L'hétérosexualité était considérée comme normale, l'homosexualité comme rare, dès que l'on naissait, nous étions formatés pour être hétérosexuel sans se poser la question de savoir si l'autre côté nous plaisait ou pas, tomber amoureux d'un physique différent du sien, sans se soucier du cœur qu'il pouvait contenir. Kelsey l'avait toujours dis, on ne tombe pas amoureux d'un sexe, mais d'un cœur. Et ça … Peu de personnes arrivaient à l'avaler.

Ils avaient estimé que le jeune garçon avait eu son compte et étaient repartis en ricanant alors qu'il était toujours au sol, recouvert de sang de la tête au pied et se demandant bien comment il allait faire pour retourner chez lui tout seul. Bien heureusement, il fallait croire que la jeune fille en question n'avait pas fui si loin que ça puisque, une fois que la bande fut partie, elle avait laissé dépasser sa tête du pan de mur, se dirigeant vers le jeune homme en courant délicatement. Elle s'était accroupie près de lui et lui avait proposé son aide, souhaitant l'emmener chez un médecin ou à l'hôpital, et c'était quand il s'était déclaré lui-même médecin qu'elle avait écarquillé de grands yeux une fois de plus. Il lui avait indiqué son adresse, s'excusant de l'utiliser un peu pour marcher, et elle l'avait soutenu avec plaisir, le raccompagnant jusque chez lui jusqu'à ce qu'il passe le pas de sa porte. Elle avait demandé si elle pouvait rester à ses côtés et il avait décliné l'invitation, se contentant simplement de lui dire de faire plus attention la prochaine fois – ceci la faisant sourire avant qu'elle ne quitte d'un œil triste la maison du jeune homme … Il s'était automatiquement dirigé vers la salle de bain, épongeant tout le sang qui s'échappait de sa peau et pansant comme il le pouvait les contusions qui étaient sur son corps. Il avait dû retirer son tee-shirt, grimaçant et allant même jusqu'à hurler de douleur dès qu'il posait de l'anti-inflammatoire sur ses blessures. Il était seul dans sa douleur … jusqu'à ce qu'il sonne. Jusqu'à ce que son téléphone sonne. Il n'avait pas voulu répondre, au début, sa tempe saignant allègrement elle aussi, mais curieux de savoir qui pouvait bien être l'identité de ce numéro inconnu, il avait décroché. Et c'est là qu'il l'entendit. Une voix bien familière qu'il aurait aimé entendre plus tôt … ou plus tard. Mais pas maintenant …

« Yah. Tu vois, y'avait qu'à attendre quatre petits jours. T'es libre, là ? Si tu l'es pas – …
_ Je peux pas.. » Son ton sec et tranchant avait probablement dû le surprendre, mais les larmes qui naissaient dans le creux de sa gorge lui firent reprendre d'une voix tremblante. « N … Namji, je suis … content que t'appelles mais je. Peux pas. Pardonne-moi. »

Et il raccrocha aussi sec. C'était évident, non, il ne pouvait pas … Il ne pouvait décemment pas se montrer à lui sous cette forme, avec un œil au beurre noir ainsi que des bleus sur son ventre et ses jambes, le tout agrémenté de contusions peu profondes mais qui saignaient beaucoup … C'était complètement lamentable comme état, et il ne voulait pas offrir cette vue à quelqu'un. Et surtout pas à ce type. Il déglutit bruyamment, difficilement, alors que les souvenirs de leur dernière rencontre remontèrent à la surface. Il se recula, son dos brulant s'appuyant contre le mur froid, tapant sa tête contre ce dernier. Leur dernière rencontre n'avait pas été banale … Un métro qui les fait plonger dans le noir pendant de longues minutes … Un baiser, puis un autre, et enfin un acte complètement irréfléchi et crétin made in M.K. Quel con avait-il pu être, il s'était vraiment détesté, sur ce coup-là. À quoi s'était-il attendu, franchement ? Comme s'il avait pu l'entrainer dans des chiottes publique dans le seul but de se faire prendre par lui ? La tension, l'envie et le désir étaient, certes, monté d'un cran, mais de là à ce qu'il en soit réellement capable ? Stupide. T'es vraiment trop con, Kelsey. Il passa sa main sur son visage, refoulant ces frissons, les même qu'il avait ressenti quand Namji l'avait, à son tour, plaqué contre le mur, baisant son cou sans retenue avant de rejoindre ses lèvres pendant un long moment. Ses doigts glissèrent sur ses lèvres au souvenir de ce moment. Et ses doigts, ses mains, qui étaient descendues le long de son corps pour lui arracher en un rien de temps la ceinture qu'il portait à ce moment-là. Il l'avait tellement excité, il en tremblait encore. Quand sa même main lui avait descendu sa fermeture éclair, touchant à travers le tissu ce qu'il ne fallait pas, ce qui avait arraché un soupir de surprise et de bien-être au jeune garçon. Son cœur s'accéléra alors qu'il se rappelait de cet instant, et surtout de quelle manière il avait laissé en plan – mais c'était normal après tout. Stupide Kelsey. Sombre crétin. Que croyais-tu. Il se laissa glisser le long du mur, se retrouvant assis par terre dans sa salle de bain. Et il resta ainsi pratiquement un quart d'heure, oubliant son sang qui coulait sur le sol, restant concentré sur ce moment trop court dans le métro. Il déglutit. Namji, Namji, oh Namji … Il en voulait encore, et il aurait pu l'avoir aujourd'hui s'il n'avait pas eu la sombre idée d'aller tirer une fille d'un viol imminent – mais avoir cela sur la conscience l'aurait empêché de dormir pendant des mois et il ne pouvait décidément pas laisser cela se faire. Vie cruelle, il ouvrit les yeux, fixant le plafond alors qu'une seule et unique larme vint rouler le long de sa joue droite puisque son œil gauche était trop touché pour qu'il puisse l'ouvrir. Il se leva enfin, se dirigea vers la cuisine et attrapa une poche de glace qu'il posa sur ses yeux, du sang continuant à rouler le long de son torse sans qu'il ne veuille s'en occuper, perdant peu à peu ses forces. Et comme si c'était pas assez dur comme cela, quelqu'un vint frapper à la porte. Croyant dur comme fer qu'il s'agissait de sa chère et tendre petite sœur, l'Anglais accouru comme il put à la porte et il l'ouvrit sans attendre une seconde. Ce fut en découvrant qui se tenait devant lui qu'il laissa tomber sa poche de glace, la laissant s'éclater au sol en dispersant tous les glaçons. Ses sourcils se froncèrent de manière triste alors qu'il déglutit difficilement, lançant d'une voix faible et pratiquement inaudible.

« Que fais-tu là ? … J'avais dis non … »