Son reflet dans le miroir s'activait, bougeait seul et lui parlait des mots qu'il ne comprenait absolument pas alors qu'il restait immobile, la rage bouillant au creux de son estomac, ses doigts tremblant à peine, signe qu'il se retenait d'y balancer son poing. Il avait foiré, définitivement foiré, et ce n'était pas nouveau mais cette fois semblait être particulièrement douloureuse. Depuis quand les choses étaient-elles douloureuses, de toute façon ? Sentir ce cœur battre au fond de ses entrailles. Ça, c'était douloureux. Le processus avait été lent, très lent, mais dès l'instant où il avait posé les pieds à Akiwa, il avait sût que ce moment viendrait. La haine refaisait surface, la douleur était plus perçante que jamais et si son cœur qui battait à tout rompre pour tenter de briser les murs de pierre qui s'étaient accumulés au fil des dernières années était ce qui l'inquiétait le plus, il ne pouvait rien y faire. Impuissant. Voilà ce qui était dérangeant. Lui, maître absolu de l'indifférence et depuis toujours peu préoccupé par de tels sentiments inutiles, il changeait. Ces failles, béantes, se creusaient de plus en plus. Et il devenait humain, vulnérable, et tout aussi fragile et stupide qu'eux. Il baissa la tête, soupirant, passant une main sous l'eau qui s'échappait depuis une bonne dizaine de minutes dans l'évier, la passant sur son visage dans une tentative ratée de se changer les idées, se rafraîchir la tête un peu, grimaçant au contact de l'eau, les gouttelettes perlant le long de son visage pour s'échouer sur sa chemise d'un blanc cassé. Désagréable, tout était désagréable. Y avait-il une seule chose dans ce monde pour laquelle il ne devait pas se casser la tête ? Il n'en savait rien, il ne savait plus. Il lui semblait que même la baise devenait compliquée, pensa-t-il alors qu'il pouvait entendre les lourds pas du garçon s'approcher. Peut-être qu'il hallucinait, peut-être avait-il réellement la trouille de faire la une du journal du dimanche matin lorsqu'il l'aurait définitivement coincé au coin d'un couloir, ou peut-être, finalement, que sa fin avait réellement été écrite de la sorte. Aussi ridicule qu'elle soit. Noyé tête première dans un siège royal de toilette de russie. Ouais. Clairement. « p'tit con. » grimace. La porte ? Trop dangereux. Cabine de toilette ? Ça tiendrait trente secondes au pire, et là, il finirait réellement noyé dans la toilette. … fenêtre ? Le félin se tourna vers le sanglier, soupirant, une plainte silencieuse, grimace désagréable au visage alors que son regard faisait des allers-retours entre la fenêtre et le jaune. « putain, tu fais chier là, pas envie de me la jouer jackie chan. » il eut à peine le temps de finir sa phrase que le monstre lâchait ce qui ressemblait à un long rugissement, son dos se courbant, avançant lentement vers lui, et tout ce que Kessy avait trouvé à faire était de reculer jusqu'à ce que son dos se presse douloureusement au comptoir derrière lui. Ah, ça, définitivement, ça lui rappelait quelque chose. Il ravala difficilement sa salive lorsqu'il comprit l'état des rages du plus jeune, observant une dernière fois la fenêtre dans une ultime tentative de trouver un meilleur plan. Mais, non. Il n'y avait pas trente-six solutions, alors autant s'activer. Le brun soupira une dernière fois avant de se lancer vers la fenêtre, préférant ne pas compter les étages sous lui, le vide l'accueillant rapidement, fermant les yeux pour centrer toute sa concentration sur une seule chose : transformation. Et quelques fractions de seconde plus tard, le félin retomba majestueusement sur ses pattes, fuyant rapidement vers la forêt, un loup-garou à ses trousses.

Voilà un beau commencement de journée, tiens, pensa-t-il alors qu'il s'enfonçait dans les bois, grimpant au tronc du premier arbre qu'il rencontra, se réfugiant sur la plus haute branche. Certes, il avait déjà fait face aux rages d'un loup-garou – mais pas comme ça. Ce loup-garou là n'était pas défendu de le tuer. Oh, si, il devait bien y avoir quelque chose qui l'empêchait de le tuer – genre, des lois, peut-être, mais celui-là ne semblait pas être très au courant des dites lois, et malheureusement, c'était Kessy qui devait écoper de ce manque de civilisation. Et tout ça pourquoi ? Pour une malheureuse petite baise. Définitivement, il ne pouvait même plus ne pas avoir à se casser la tête pour du sexe. Et comment devait-il savoir que le petit-ami de la belle Natasha allait vouloir le castrer à peine quelques heures après qu'il se soit réveillé ? Ce n'était pas de sa faute à lui, après tout, s'il n'avait pas sût la garder auprès de lui. Ou qu'il baisait mal, au choix, mais il préféra plutôt chercher une nouvelle branche sur laquelle se percher que d'éluder cette question lorsqu'un coup de patte bien placé de la part du jaune fit chanceler l'arbre dans lequel il s'était perché, forcé à sauter d'arbre en arbre, n'ayant confiance qu'en ses griffes pour s'accrocher fermement aux branches. Avait-il une chance de le semer ? Sûrement pas. De le fatiguer ? Peut-être. Et peut-être qu'à force de massacrer des arbres, ce dernier finirait par faire passer sa rage et retrouverait ses esprits. Il pouvait toujours espérer, et pouvait toujours prier pour ne pas se fatiguer avant l'autre et réfléchir un peu mieux que ce dernier. Ça, normalement, ça ne devrait pas être trop difficile... normalement. Mais, évidemment, tout ne se déroulait jamais comme prévu, et, cette fois, il n'eut aucun plan B lorsque l'arbre sur lequel il se trouvait chavira beaucoup trop rapidement, et il eut beau tenter de se rattraper : la meilleure chose qu'il put faire fut de grimper sur le tronc qui tomba à la renverse, l'arbre se déracinant juste assez pour le mettre en travers de la falaise, juste au-dessus... du lac. Génial.

Point positif ? Le jaune était beaucoup trop lourd pour venir le rejoindre, à présent, et s'il osait grimper sur le tronc – ce qu'il espérait qu'il ne ferait pas – ils tomberaient tous les deux. Même s'il doutait franchement que l'autre ait peur de l'eau, il doutait franchement que la chute ne soit de tout confort ni pour l'un, ni pour l'autre. Quelques os brisés avec ça, peut-être ? Non merci. Point négatif ? L'arbre pouvait se déraciner complètement d'une seconde à l'autre, et ça, il n'était pas particulièrement impatient de le vivre. Après tout, quel chat avait réellement envie de se retrouver dans le vide, balançant pitoyablement au-dessus de l'eau ? Aucun. Et surtout pas lui. Le félin ferma les yeux, ses griffes s'accrochant fermement – et presque douloureusement - au tronc de l'arbre, suppliant mentalement quelconque force de lui venir en aide ou alors, peut-être, une solution miracle. Solution miracle, ouais, il pouvait toujours rêver. « j'vais t'arracher la tête et en faire qu'une bouchée, connard. » s'il avait pu grimacer, il l'aurait fait. Il se contenta cependant d'ouvrir les yeux, fixant les yeux jaunes de la bête, crachant, reculant prudemment. Il eut à peine le temps de cligner les yeux que la bête disparut de son champs de vision et le félin se demanda un moment s'il perdait la boule, si son sixième sens déraillait finalement ou si, réellement, c'était ça, la vitesse d'un homme-loup. Par où devait-il aller ? Et son cœur qui battait si fort le torturait, l'empêchant d'écouter correctement les bruits. Impossible qu'il soit disparu. Il sursauta bêtement lorsqu'une griffe frôla sa queue, la ramenant vers lui pour faire volte-face, trébuchant presque lorsqu'il put finalement apercevoir le jaune – qui se tenait dans l'eau, dessous, tentant de le rattraper. « mais lâche-moi putain, tu feras même pas une bouchée de ma gueule, va donc chasser la licorne ! » lança-t-il à l'autre, et s'il avait pu, cette fois, il aurait certainement froncé les sourcils. Il recula, toujours prudemment, fixant le garou d'un œil inquiet, se faisant tout petit. Miracle, miracle...