« eh merde... » fit-il, jetant un coup d'oeil aux boites alignées devant les quelques files d'élèves qui ronchonnaient déjà à l'idée de devoir y poser leurs baguettes. Il observa le papier au creux de sa main, mémorisant le chiffre, le répétant deux fois dans sa tête avant de le froisser et le glisser dans la poche arrière de son jean. Un joli six, simplement peint d'une médiocre calligraphie à l'ancienne sur un papier quelque peu jauni. C'était toujours comme ça chez les sorciers, de toute façon. Il ne savait pas s'ils tenaient à garder le côté romanesque et ancien de la chose, mais jamais on ne verrait une note du directeur adressée aux élèves écrite au crayon à l'encre brillante sur un papier d'un rose moderne comme on les voyait chez les moldus. Jamais. Il déglutit, passant distraitement la pointe de sa langue au coin de ses lèvres, à peine conscient de bloquer le chemin aux quelques premières années derrière lui, glissant sa baguette sous la ceinture de son pantalon pour la couvrir des pans de sa chemise. Autour de lui, les élèves s'agitaient – les uns excités, les autres l'air grognon, et, comme lui, ils se demandaient très certainement pourquoi, Dieu, ils avaient accepté de participer à cet événement d'ouverture. Peut-être avaient-ils tous un gamin de seize ans dans leur vie, trop accroché à leur cœur pour trouver même le courage de refuser à cette jolie petite frimousse aux yeux de chien battu. Ou alors peut-être était-ce une princesse, au masculin ou au féminin, trop capricieuse pour qu'on n'ait même envie d'imaginer la crise qui s'en suivrait. De toute évidence, ce dernier ne survivrait jamais sans lui, ça, c'était réglé. Il passa une main sur son visage, grimaçant, repoussant une mèche rebelle de ses cheveux négligemment peignés, se redressant et inspirant. C'est qu'il lui fallait du courage pour oser se mêler à cette foule d'élèves, lui qui pensait déjà à rebrousser le chemin et retourner tranquillement dans sa chambre de dortoir pour lire le dernier chapitre d'un livre jauni par le temps qu'il n'avait toujours pas terminé. Il devait bien y en avoir quelques uns dans sa bibliothèque – c'est-à-dire, le dessous de son lit – qui lui semblaient bien plus intéressants que cette expédition dans les bois. Pas que la forêt le dérangeait tout particulièrement, non, au contraire. C'était plutôt de savoir qui seraient ses coéquipiers et le fait de devoir travailler en équipe. Ça devait lui sortir par les trous du nez, clairement. S'il avait sut qu'il ne serait pas avec les deux jeune hommes ou qu'alors il n'aurait même pas la liberté de choisir avec qui il y participait : jamais il n'aurait pointé le bout de son nez. Il posa un regard nerveux vers le sombre château, pinçant les lèvres, se demandant s'il n'était pas trop tard pour le retrouver discrètement. Après tout, ça ne devait pas être si difficile de trouver un endroit pour subtilement prendre sa forme féline, à la lisière de la forêt. Laisser les autres en plan ne le dérangeait pas et si on le blâmait pour son absence, il dirait simplement qu'il n'était qu'un trouillard et que la simple idée de passer la nuit dans la forêt lui donnait la nausée. Ce qui, en soit, ne semblait pas être un mensonge si absurde puisque ça devait être ce que la moitié des rouges présents présentaient à l'instant même : la trouille immonde d'y poser leurs derrières. Il fronça cependant le nez, secouant la tête, soupirant. Et si jamais il avait de la chance ? On lui en voudrait. Il humecta donc ses lèvres et balaya les alentours d'un regard averti, avançant finalement vers les boites en question, glissant sa baguette sous la ceinture de son pantalon qu'il recouvrit d'un pan de chemise. Il n'avait plus qu'à croiser les doigts et se faufiler tout naturellement au travers de la foule noire d'élèves et, s'il avait de la chance, ils ne remarqueraient rien. Ce n'était pas plus l'idée de passer une nuit dans la forêt accompagné de deux potentiels boulets qui le dérangeait mais plutôt l'idée absurde de la passer sans même une baguette en cas d'urgence. Ça n'avait aucune logique. Certains sorciers ne savaient pas se débrouiller sans la magie, pour ne pas citer son propre prénom, et ça pouvait réellement être dangereux. Il inspira, glissant chacune de ses mains dans ses poches, prenant un air tout à fait naturel alors qu'il redressait la tête pour observer la foule d'élève passée de l'autre côté des boîtes. Bientôt, il aperçu deux têtes familières qui se tenaient côte à côte, et il se demanda franchement si c'était un bon signe de les voir tous les deux ensembles. Sa langue claqua contre son palais, visiblement agacé, et il secoua la tête, soupirant, passant finalement les boîtes, un poids se retirant de ses épaules lorsqu'il constata qu'il avait réussi, et que sa baguette était toujours bien en place.

« monsieur lee. » il sursauta, se sentant tiré vers l'arrière par une drôle de force invisible, tournant la tête, levant les bras pour reprendre son équilibre. Quoi encore ? « monsieur lee, votre baguette ne figure pas dans mes registres... » il tourna la tête, seulement pour voir la petite créature qui levait les bras, ses mains toutes sales attendant visiblement quelque chose. Il fixa d'abord ses mains, puis ses énormes yeux globuleux, et ses mains encore une fois, grimaçant. Un long soupir s'échappa d'entre ses lèvres lorsqu'il se vit contraint de retirer sa baguette de sous sa ceinture, la posant dans les mains de la chose, sa grimace tirant vers le dégoût alors que les doigts décrépis s’emparaient de la baguette pour la déposer sans délicatesse dans une des boites. Ce qu'il détestait ces choses dégoûtantes. Celle-là tout particulièrement avait un air de famille avec celui des Lee, Aren. Ses yeux roulèrent sur eux-mêmes et il reprit le pas, exaspéré, se frayant un chemin au travers des quelques groupes d'élèves qui cherchaient leurs coéquipiers, jetant un regard ici et là par-dessus l'épaule des élèves pour lire le chiffre qu'ils tenaient dans leurs mains, même s'il n'était pas particulièrement pressé de savoir avec qui il avait été jumelé. Il aperçut un dix, puis un cinq, et finalement un trois mais ne se préoccupa pas de chercher le six. On finirait par le lui demander, de toute évidence, et là il devrait s'y faire. Lorsqu'il redressa la tête pour regarder droit devant, il ralentit le pas, s'arrêtant devant les deux jeunes hommes, ses mains retrouvant le fond de ses poches comme à son habitude tandis qu'il louchait vers le sac posé aux pieds des deux élèves. L'image s'éclaircit bien rapidement dans sa tête et il réalisa que s'ils étaient ensemble, ce devait être parce qu'ils avaient été jumelés. Il tenta de déceler l'expression du visage de chacun d'entre eux, laissant un lourd silence flotter – du moins entre eux, si seulement on arrivait à ignorer les cris presque hystériques des autres élèves qui semblaient vouloir élever le ton pour enterrer tous ceux qui les entouraient. Il se racla la gorge, observant le papier qu'il ne pouvait lire entre les doigts du jaune. « je vais vous tuer, » débuta-t-il, attrapant le dit papier entre deux doigts pour le tourner vers lui, le dépliant, levant le regard. « lentement et douloureusement pour m'avoir forcé à m'inscrire à cette merde. » Puis il regarda le papier, y lisant d'abord un neuf, une moue perplexe au visage. Puis le petit '9' trembla, tournant dans tous les sens, son sourcil s'arquant, et il comprit enfin lorsque le chiffre se posa, lisant cette fois un '6'. Il soupira, grimaçant, soulagé. « Dieu existe peut-être, finalement. » marmonna-t-il, froissant le papier, l'envoyant valser dans les airs et attrapant le sac à leurs pieds. Pour le hisser sur son épaule. Oh, ils allaient souffrir, ces deux-là. Il haussa un sourcil, l'air amusé. « j'crois qu'on va passer une très belle nuit tous les trois ensemble. » conclu-t-il, pointant vers la forêt, passant entre les deux garçons pour ouvrir la marche. Ça s'annonçait déjà un peu mieux, même si l'idée en elle-même ne l'enchantait toujours pas : c'était déjà ça, dirons-nous. « qui a la carte ? » demanda-t-il, sans tourner la tête, à la lisière de la forêt.