Dong Soo, c’était bien le genre de gars à croire aux « miracles ». Quand on était aussi con après tout, c’était un peu normal. A ses yeux, tout était un coup de chance, tout était l’œuvre d’un hasard bienveillant et inattendu. S’il avait une bonne note en Histoire de la Magie par exemple, c’était un miracle. S’il avait réussi la plus grande farce du siècle sans se faire prendre, c’était aussi un miracle. Dong Soo se caractérisait très bien par une petite phrase bien bête : « Il en faut peu pour être heureux ». On lui reprochait sa bêtise, cependant, il n’était pas dit que quelqu’un puisse apprécier les délices de la vie tout autant que lui. Un yacht, un château, des diamants. Même s’il pouvait facilement avoir tout cela, l’ex yongwang n’avait pas besoin de tout cela pour se sentir bien dans sa peau. Les besoins matériels lui étaient en soit inconnus, excepté peut-être lorsque de nouveaux « outils à blagues » lui étaient nécessaires. On reprochait beaucoup de choses à ce pauvre Dong Soo, mais aussi bête que cela lui puisse paraître, il était sans l’ombre d’un doute, l’une des personnes les plus sympathiques et généreuses de cette petite planète appelée Terre. Malgré tout, nombreux étaient ceux à ne pas pouvoir encadrer ce mec. Normal. Il faut tout de même avouer qu’il pouvait bien faire chier son monde, avec ses blagues de merde. Quand bien même était-il le Ministre de la Magie, le patron de la Croix Rouge ou bien le pire des Intouchables, certains aimeraient bien le voir six pieds sous terre, histoire d’être moins emmerdés par sa « chiantise » permanente. Il parlait tellement ! Il riait tellement ! Il déconnait tellement ! Il faisait tellement chier … Il était bien gentil, mais si seulement il pouvait être plus posé …

Les souhaits de tout un groupe se réalisèrent en une semaine, et ce sans que personne ne s’y attende réellement. Tous avaient perdus l’espoir d’avoir une vie normale avec Dong Soo dans les parages, et pourtant. D’étoile rayonnante, il était passé à fantôme invisible … Ceux qui l’avaient croisé pouvaient tous affirmer la même chose : il avait changé. Dong Soo était différent. Il ne dégageait plus cette aura de lumière qui mettait tout le monde à l’aise. Sa simple présence ne donnait plus envie d’afficher un immense sourire heureux. Bien au contraire. Même lorsqu’il était de dos, il dégageait une espèce de tension désagréable, presque comme s’il allait se retourner subitement, sans crier gare, pour vous étrangler. Ses lèvres étaient constamment pincées, comme si une amertume inexistante auparavant lui rongeait les entrailles. Ou peut-être comme s’il se retenait de ne pas vomir des insultes à tous ceux qui osaient le regarder avec un peu trop d’insistance. Personne n’avait le droit de le regarder. Personne ! Son pas était lourd, pesant, inquiétant. Il ferait presque penser aux claquements significatifs des semelles d’un bourreau venu vous exécuter. Ce genre de bruit qui vous hante l’âme à vous en donner des frissons. Mettre une hache à la main du jeune homme semblait presque être « la cerise sur le gâteau », le petit détail qui compléterait l’attirail de ce nouveau mais peu attendu personnage. Son regard, quant à lui, était terne et cerné de noir. Ses paupières étaient affaissées, presque comme quelqu’un qui ne faisait pas l’effort de garder les yeux bien ouverts. Plongé dans un semi sommeil vaporeux, Dong Soo n’arrivait pas à s’empêcher d’être exécrable, voire même carrément mauvais. En une semaine, il s’était mis à dos plus de personnes qu’en dix ans. Et puis, il y avait ce tic bien étrange qu’il avait acquis. Depuis qu’il avait cette chevalière, il ne pouvait s’empêcher de jouer avec de manière sporadique, et si on y regardait d’un peu plus près, on verrait sous cet anneau de minuscules veinules noircies, comme si un poison inconnu se propageait dans l’organisme de Dong Soo, pour s’évaporer ni vu, ni connu, sans que personne ne puisse le remarquer … C’était quasiment impossible, d’autant plus que Dong Soo s’en prenait à tous ceux qui osaient l’approcher d’un peu trop près. Perdu dans la marée d’élèves, autant vous dire que nombreuses ont été les envies de meurtres passant par son esprit ….

Une chose étrange lui sauta alors dessus. Ou plutôt quelqu’un. La tête basse, Dong Soo n’en vit d’abord que le bas. De grands pieds cachés derrière des baskets, des mollets forts. Une voix grave et gaie. Un garçon. Quelque part au fond de sa tête, une joie immense s’était faite sentir. Cette voix lui était familière. Agréablement familière. Une voix qu’il entendait tous les jours, qui lui avait confié tant de secrets et avec laquelle il avait vécu tant d’aventures. Ce Dong Soo caché au fin fond de son enveloppe corporelle avait envie de rire, d’exploser de bonne humeur. En face de lui, se tenait une sorte de frère, une sorte d’âme sœur de l’amitié presque éternelle. Tout ne se tenait que dans un seul nom. Iseul Ae. Un garçon avec lequel il avait partagé tant de choses. Ils ne se connaissaient « que » depuis leur première année, mais Dong Soo le considérait comme l’ami de toute une vie. Ce genre d’ami qu’on ne rencontre qu’une fois – ou deux ! – et en qui on peut avoir une entière confiance. Ils étaient peut-être un peu débiles parfois, mais il était certain que ce garçon-là était beaucoup plus précieux pour lui que n’importe qui d’autre. Pourtant, malgré tout l’amour que Dong Soo semblait lui porter, seul un regard plein d’animosité fut lancé à ce « tant aimé » Iseul Ae. Cette part de lui-même qui semblait l’adorer tellement était scellée quelque part aux confins de son esprit, incapable de se libérer de la cage qui la tenait prisonnière. « Ca va pas..? Tu m'as l'air morose aujourd'hui. » Dong Soo eut envie de rire. Il avait envie de se moquer, de l’insulter. Mais il se retint pour cette fois. A quoi bon vouloir dire quelque chose à quelqu’un qui était tout bonnement trop stupide pour comprendre quoi que ce soit ? Il se tût donc, son regard évitant tout simplement de se poser sur cet être si insipide et dérangeant. Etait-il vraiment ami avec une chose pareille ? « Eh bien.. T'as vu Grimrauder ou quoi ? Non.. Attends.. Je sais ! Un gars a repoussé tes avances et t'es dégoûté ? C'est à cause de ça que t'arrêtes pas de m'éviter ? T'as peur que je te brime ou quoi ? Alleeeeez, n'est pas honte va ! Ca arrive à tout le monde de se prendre des râteaux ! » Dong Soo grimaça. Ces blagues étaient de mauvais goût et étaient loin de le faire rire. Pire encore, ce petit coup dans l’épaule avait été suffisant pour l’énerver. Il n'eut aucune réaction immédiate, abandonnant son "ami" à un silence pesant, avant de pousser un long soupir de lassitude. Pour la première fois depuis le début de leur confrontation, le kaban daigna fixer son homologue dans les yeux pendant plus de trois secondes. Un regard plein de colère et de dédain. Il frisa le nez, comme si ce qu’il avait en face de lui, à savoir : Iseul Ae, était on ne peut plus dégoutant. Dong Soo lui donna à son tour un coup dans l’épaule, mais qui n’avait rien d’amical cette fois-ci. Tout ce qu’il voulait, c’était que ce boulet s’éloigne. « Ahn, bas les pattes okay ? Et je te prierai de ne pas empiéter sur mon espace vital. » Il s’épousseta l’épaule, comme s’il essayait vainement de « nettoyer » la saleté laissée par Iseul Ae, et le contourna sans plus de cérémonie. « Dernière chose le con. Ferme là un peu, ça fera des vacances à tout le monde je pense. ».

Si t’as pas d’amis, mange un Curly.

En y réfléchissant avec un peu plus d’intensité, une question pouvait facilement naître dans nos esprits dérangés : ce Dong Soo n’était-il réellement pas le Dong Soo ? Cette espèce de connard présent depuis quelques temps déjà était-il réellement aux antipodes du boulet chiant et parfait représentant de sa maison de bêtes rousses ? Hmm … Pas si sûr. Après tout, dans sa profonde connerie, et quand bien même il prétendrait et montrerait le contraire, Dong Soo avait lui aussi, quelque part dans les tréfonds de son âme, une part de noirceur que lui-même connaissait très mal. En temps normal, il ne voyait que le sommet de l’iceberg, celle emplie de ses doutes et de ses craintes. Rien de plus, rien de moins. Peut-être qu’en fin de compte, la partie cachée sous la mer était-elle bien plus vaste que ce qu’il avait bien pu croire pendant tout ce temps ? Peut-être qu’au fond de lui résidait une réelle part de rancœur, de scélératesse et de méchanceté ? D’une certaine manière, ce « nouveau » Dong Soo était probablement le reflet de ses tourments les plus profonds. Par exemple, le Dong Soo habituel avait eu, depuis le début de l’année, beaucoup de mal à cacher sa déception face à cette nouvelle école. Loups-garous, vampires … Il avait beau dire que cela ne le dérangeait pas plus que ça, que cela pouvait même s’avérer marrant si on savait s’y prendre, mais il lui était impossible de cacher sa peine quant à la destruction de son école bien-aimée. A ses yeux, rien ne valait les murs d’Akiwa ou la « douceur » tant appréciée de ce poulpe de Jimmy. Et là, ô coïncidence, le « nouveau » Dong Soo portait en horreur toutes ces créatures étranges, ce pays toujours gris qui influençait son humeur, et surtout les murs si sombres de cette école de morts-vivants. Doucereux humour de sa part que voilà, en particulier lorsque le garçon lui-même était peut-être plus noir que tout cela réunit. Ce nouveau Dong Soo, tout comme l’ancien, n’aimait pas les cours. Comparé à l’autre qui passait l’heure en faisant n’importe quoi, celui-ci faisait preuve d’insolence ou mieux, ne se présentait pas dans la salle. Lorsque ce cynique se moquait de ceux qui l’entouraient, nous pouvions sans mal faire le rapprochement avec le comportement taquin et constamment blagueur d’un Dong Soo qui passait sa vie à tourner en dérision l’existence de ses congénères. Alors, d’une certaine manière, cela ne rejoignait-il pas la façon d’agir de « gentil » Dong Soo ? Peut-être que le sortilège lancé à cette chevalière n’avait pas pour but de créer une nouvelle personnalité, mais de faire ressortir toutes les parts de mal qui résidaient en lui, en prenant soin de condamner l’autre part de bonté quelque part dans sa tête ? Bah. Quand même. On avait bien du mal à croire qu’un garçon habituellement si agréable – dans la mesure du possible – puisse avoir tant de vice et de malfaisance au fond du cœur. Oui. Non. En fin de compte, non. Il n’était pas possible d’apposer un parallèle entre ce truc si exécrable et Dong Soo. Certainement avait-il une petite part d’hyène en lui, mais jamais il n’aurait fait preuve de tant de méchanceté, en particulier à l’égard d’Iseul Ae.


Un idiot, comme lui. Avec Kelly, encore un autre clone niveau personnalité, ils formaient à eux seuls une secte, un clan inséparable, un trio infernal. En mettant de côté quelques petits éléments par-ci par-là, le « kaesoo » était, sans l’ombre d’un doute, toute sa vie. Parfois, dans sa grande stupidité, il avait envie de penser qu’il était venu au monde dans le seul but de rencontrer un jour ces deux êtres qui lui étaient si mentalement semblables. Beaucoup – eux-mêmes aussi ! – se limitaient à croire qu’ils n’étaient que de simples boulets. Mais Dong Soo lui, était persuadé que c’était bien plus que cela. Qu’un lien inviolable et indestructible le liait à Iseul Ae et Kelly. « A la vie, à la mort », c’était totalement ça. Ils blaguaient, ils riaient, ils faisaient un lot immensément grand de conneries. Et pourtant, Dong Soo se savait capable de faire n’importe quoi pour ses deux joyeux camarades. S’il fallait se trancher une main, un bras, ou même la gorge pour sauver l’un d’entre eux, Dong Soo le ferait sans hésitation. Ces deux-là étaient plus que des amis. Ils étaient une partie inséparable de son être qui le motivait, même dans la plus grande des tristesses, à se lever tous les matins et sourire à la vie. Car le jaune savait que même seul au fond d’un gouffre, il verrait toujours deux mains accompagnées de sourires resplendissants le hisser vers le haut et le sortir de la plus violente de ses peines. La perte d’un Iseul Ae ou d’un Kelly, ce serait pire que l’éradication de l’espèce humaine en entier. Un seul être vous manque, et tout dépeuplé. Quand bien même on parlerait d’Amour, c’était exactement la même chose. Arrachez-lui Iseul Ae ou Kelly, arrachez-lui un morceau de son âme, c’est la même chose. En tant que mec, exprimer son affection n’est pas chose aisée, mais s’il y avait bien une chose sur laquelle Dong Soo ne blaguait pas, c’était sur ce qu’il ressentait à l’égard de ses deux amis. Peut-être répondrait-il en rigolant pour cacher un peu sa gêne, mais toujours, je dis bien toujours, il répondrait à l’affirmative si on lui demandait « et Iseul alors, et Kelly. Tu les aimes ou bien ? ». De toute manière, aussi niais cela pouvait-il être, le regard plein d’affection et de tendresse qu’il posait sur ses amis était une preuve indéniable de son amitié. Ah ça, pour être ses âmes sœurs, ça l’était.

Et pourtant. Bad Dong Soo ne semblait que très peu concerné par ces épanchements d’amour et d’amitié. Pour lui, seul un imbécile de première se tenait devant lui, juste bon à empiéter sur son espace vital et lui voler un temps qui lui était précieux. Certes il ne faisait pas grand-chose à part ressasser ses idées noires, mais cela restait bien meilleur que de faire la conversation avec l’un des rois mages des boulets. Alors qu’il s’apprêtait à tourner les talons, il leva les yeux au ciel en tordant ses lèvres dans une moue agacée, lorsqu’il fut dans l’obligation de comprendre que ce demeuré n’était pas près de lui lâcher les baskets. Dong Soo aurait presque oublié qu’avec les kabans, il fallait toujours s’y prendre un milliard de fois avant d’avoir enfin la paix. Et encore, même pas sûr qu’un milliard et une fois soient suffisantes. Malgré lui, il consentit à se tenir devant lui encore un peu. Au final, peut-être que l’influence de gentil Dong Soo avait réussi à le pousser à ne pas partir ? Après tout, rien ne l’avait empêché de continuer son chemin en ignorant les paroles fort inutiles du jambon ambulant. « Hey ! J'y suis pour rien si t'as passé un mauvais été tu sais. Ou si t'es contrarié à cause de ce qui est arrivé à Akiwa, me le refile pas sur le dos. T'es franchement bizarre, mec. » A la tête que Dong Soo afficha à ce moment-là, c’était presque comme s’il s’apprêtait à sortir une immense pancarte avec écrit dessus en lettres capitales « MAIS FERME TA GUEULE NOM DE DIEU », dans l’espoir que l’écriture puisse plus faire tilter un cerveau long à la détente. Malheureusement, son air dépité ne sembla pas suffisant pour démotiver un Iseul Ae qui repartit de plus belle. « Enfin je te pardonne.. Parce que j'ai un truc trop énorme à te dire, mec ! Tu devineras jamais ce qui m'est arrivé. Tu te rappelles de Min Ae ? Eh ben est en couple maintenant. Le truc trop impossible pour un gars qui collectionne les meufs comme moi. Et pourtant. Je suis heureux avec elle, mais.. Tu crois que c'est une bonne idée ? T'es le seul qui me connaisse réellement et tu as toujours été quelqu'un en qui je pouvais avoir confiance.. Alors, dis-moi ce que tu en penses.. » Dong Soo étouffa un rire moqueur, qui apparut alors comme une espèce de soufflement dédaigneux. Il peinait à savoir qui de Min Ae ou d’Iseul Ae avait été le plus pathétique dans toute cette histoire. Elle, à accepter de sortir avec un tel con fini, ou lui pour daigner pourrir la vie de quelqu’un en officialisant une relation qui, pour Dong Soo, n’avait pas le lieu d’être. « Min Ae, la giena … Je me demande juste … Qu’est-ce qui a bien pu lui passer par la tête ? Accepter de sortir avec …. ça. Peut-être que la plastique a été un motif suffisant. Le seul motif, car si ce n’était pas ça, je me serais certainement déjà fait exploser le crâne sur un gros caillou. Non mais franchement. C’est une mauvaise blague. Elle et … Toi ? Laissez-moi du temps, que je puisse éclater de rire comme il se doit. » Il soupira, encore – cela était devenu son activité favorite semblait-il – avant de se passer une main dans les cheveux, notamment celle où se trouvait sa toute nouvelle chevalière, qu’Iseul Ae allait peut-être avoir la chance de remarquer. Dong Soo mit alors ses mains dans les poches arrière de son pantalon, puis inspira un grand coup, plus par automatisme que pour autre chose. « Franchement, j’pense que je vais lui dire de te larguer, si elle ne le fait pas avant. Pas que je doute en tes capacités intellectuelles – enfin, si justement – mais j’ai comme l’impression que tes capacités sexuelles ne demandent qu’à s’épanouir un peu plus. Il me tarde de voir quand est-ce que cette idiote va se faire cocufier. Dans un jour ? Une semaine ? Deux ? Allez mon gars, ne t’essayes pas au pari de la fidélité, tu ne vaux rien. Je ne doute pas que ce soit beaucoup trop demandé à … Je ne sais même pas par quoi je pourrais te qualifier. » Le jaune arqua un sourcil, avant de lever les yeux au ciel – encore ! – et de secouer légèrement la tête, l’air faussement affligé. Si ça se trouve, le petit Iseul n’avait rien compris aux mots qu’il avait dénié aligner pour sa petite personne. « Et, par pitié. Evite de me dire que je suis quelqu’un en qui tu peux avoir confiance. Je ne veux strictement rien avoir avec quelqu’un comme toi, merci bien. »