Qu’elle soit d’une humeur massacrante, ça, c’était fréquent. Par contre, que Nina resplendisse de bonne humeur, ça c’était quand même un peu plus rare. Pourquoi un tel état de gaieté, à peine sortie du lit ? Boh, pour pas grand-chose. La pleine lune était loin, les notes lui souriaient, personne ne venait l’emmerder. Bref, sa petite vie avait tout de la plus parfaite au monde, ou presque. La pauvre enfant appréciait particulièrement les longues heures de solitude passées à bouquiner dans la salle commune, mais malheureusement, dans de telles conditions – positives bien sûr – il était tout bonnement inconcevable qu’elle reste là, seule, assise au milieu de tous ces vampires plus louches les uns que les autres, et surtout, à l’odeur fortement désagréable. Oh, Nina s’entendait très bien avec beaucoup de vampires – prenez pour exemple son meilleur ami, sans compter le nombre d’engins draculéens qui lui sont passés entre les jambes – mais pour l’heure, prendre sur elle-même pour supporter leurs senteurs n’était pas dans le programme de la jeune louve. Alors, après avoir repassé un petit coup de maquillage, histoire d’être toujours magnifique bien sûr, elle s’échappa de son antre, un pied dans les nuages. Commença alors une longue et agréable marche en solitaire, durant laquelle elle passa son temps à rêvasser et cogiter sur ce qui se passait ces derniers jours dans le long fleuve qu’était son existence. Tout se passait vraiment, vraiment très très bien. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas pu affirmer une telle chose. Et tout ça c’était entre autre grâce à cet autre vampire, Ren. Ren, Ren, Ren. Son nom était pendu aux lèvres de la jeune femme. Comme une petite pucelle amoureuse, elle passait son temps le visage entre les mains, la tête dans les étoiles à s’imaginer une idylle des plus romantiques entre Ren et elle. Oh il est mignon ce mec avec sa meuf là … Et puis, Ren est tellement beau, tellement cool, tellement froid, elle en aurait presque des chaleurs. Et quel derrière qu’il a lui oh mon Dieu j’en prendrais bien un morceau … Malheureusement, Nina avait cette mauvaise habitude de toujours l’entraîner dans des histoires vraiment pas croyable … En véritable chat noir – quoiqu’étant une femme, elle devrait être une chatte, juste pour préciser, ohoho la vilaine blague – Nina devenait en sa présence une réelle source de malheur, et finissait indéniablement par presque les mettre en danger tous les deux. Pourtant, ce n’était pas volontaire du tout … Tout ce qu’elle voulait, c’était … Le draguer un tantinet, lui montrer par x moyens qu’elle était une fille vraiment très jolie et qu’elle valait sincèrement le coup d’œil … Malheureusement, soit ce garçon était lent à la détente, soit il avait vraiment un bâton coincé entre les deux fesses. Etait-elle donc si moche que cela ? Désespérant. Oh, il vient de me faire un joli petit sourire charmeur lui, pas vrai ? Oh, si je lui répondais ? Salut beauté, moi c’est Nina, et toi ? Mais quand même. Il fallait vraiment qu’elle trouve un moyen pour concrétiser avec lui. Peut-être que l’enchaîner dans un coin sombre du château et lui faire subir les pires vices de la Terre toute entière allait enfin changer quelque chose ? Hmm. Pas si sûre. Mais Nina était une fille persévérante, et sans doute allait-elle finir par le faire céder. Mais quand même. Elle cherchait là à se stabiliser avec lui. A être sa petite amie. Mais. Nina. Es-tu sûre de toi ? Pas que je veuille te contredire mais … Tu es … Toi quoi. Une fille qui aime profiter de la vie, sans attaches. Une abeille qui butine de fleurs en fleurs. Quoique. Une grosse mangeuse de saucisses de Strasbourg ferait plutôt l’affaire. Si on devait assimiler les conséquences que devrait avoir le sexe dans la vie de Nina à celles qu’auraient la nourriture … Nina serait sans l’ombre d’un doute dans une profonde obésité. Massive. Dure. Extrême. Son appétit sexuel pouvait s’avérer parfois effrayant. Une nymphomane ? On en vient sérieusement à se poser la question ma vieille.

Oh la la, j’l’emmènerais bien dans ma chambre lui.

Ah ça, Nina était vraiment de bonne humeur. Pour une fois, la journée regorgeait de beaux jeunes hommes tous frais et non croqués par la demoiselle. De quoi charmer son regard fortement intéressé, qu’elle ne manquait jamais de cacher sous des couches épaisses de mignonneries. Si elle n’était pas aussi hypocrite, Nina aurait sans doute été « une tigresse cachée sous une vierge effarouchée ». Le genre d’intello qui se révèle être une bête de sexe. Sauf que, dans le cas présent. Nina n’était pas du tout effarouchée, et encore moins vierge ! S’il lui arrivait de regretter le temps où sa moule n’avait point été déflorée ? Jamais. JAMAIS. Au grand jamais. La première fois était sans doute la meilleure chose qui lui était arrivée de toute sa vie. LA LIBERATION DE LA BÊTE (toute référence à Tigre et Dragon est purement fortuite.) ! Et puis.

D’un coup.

Comme ça.

Sans crier gare.

De manière soudaine.

Ok on a compris.

Nina tomba.
Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas fait attention à cette petite sportive qui lui fonçait droit dedans, et qui n’avait même pas pris la peine de s’arrêter en renversant cette pauvre Nina qui n’avait rien demandé à personne. Son sang de loup-garou commençant à s’exciter dans ses veines suite à un tel affront, Nina dût faire appel à tous les saints présents sur la planète terre pour ne pas poursuivre cette demeurée et lui arracher la tête pour avoir perturbé son tant aimé équilibre mental. Ne la tues pas Nina, ne la tues pas. En inspirant un grand coup, elle se redressa sur ses genoux et commença à ramasser le petit tas de livres qu’elle avait dans la main. Mais sincèrement. Une excuse n’aurait pas été de refus ! Aucune pitié pour les pauvres gens franchement ! Et pas un seul débile pour. Oh. Venir l’aider. Alors que cette délicate pensée traversait son esprit, une main inconnue apparut dans le champ de vision de la giena. Etonnée par l’arrivée inopinée de cette aide inattendue, son regard longea le bras de son possesseur, pour finir par arriver à son visage. Et tout de suite, un immense sourire fleurit sur les lèvres de Nina. Maddox ! Bien sûr. Comment aurait-il pu manquer de l’aider, lui, ce grand frère qu’elle aimait tant ? Mais bien vite, son sourire se rétracta, sans pour autant disparaître. Ce timbre de voix légèrement différent, et surtout cette odeur d’humain … Non, ce n’était pas du tout la même personne. Mais alors. D’où est-ce qu’il pouvait bien sortir ce pecnaud ? Etait-ce un fan inavoué de son loup favori, si bien qu’il avait fait tout plein de chirurgie esthétique pour lui ressembler ? Oui bon. Nina n’était pas assez bête pour malaxer ce genre de pensée très longtemps. Mais en même temps. S’il en avait un, Maddox n’aurait jamais manqué de lui parler de son frère, n’est-ce pas ? Sceptique quant à toute cette histoire, Nina préféra ne pas y apporter son grain de sel et faire comme si de rien était. De toute manière, ce n’était certainement pas à elle de poser ce genre de questions mal avisées. Elle fit donc mine d’être impressionnée par la référence de son homologue – enfin, elle était un peu impressionnée quand même hein – et prit ensuite son livre. Dans le même temps, elle se releva, en ne manquant pas de le laisser nez à nez avec son short, tout en continuant de sourire. « Oh, ce n’est ni l’un ni l’autre. La littérature regorge de choses alors, pourquoi se cantonner à une seule et unique langue ? Ce serait beaucoup trop de gâchis. Vous ne croyez pas ? » Nina restait tout de même une fille polie, et il ne faisait pas de doute que ce garçon était plus âgé qu’elle. Tout naturellement donc, elle préféra faire preuve de respect, plutôt que de se montrer trop familière. Et puis quand même. Les garçons ça aime les filles mignonnes et tout le tintouin non ? En continuant sur sa lancée, Nina attendit qu’il se relève pour lui faire une petite courbette, histoire de le remercier quoi. « Oh et. Merci pour … Avoir sauvé mon livre de la déchéance la plus totale … Puis-je connaître le nom du sauveur d’Hamlet, si ce n’est pas trop demandé ? » Après tout, elle pouvait bien le faire non ? Le petit n’avait pas l’air trop stupide. Et puis. Avec la même tête que son Maddox adoré, ce jeune homme ne pouvait que s’attirer les amitiés les plus sincères de la part de la giena.
Et Nina ne se trompait jamais.

Ou presque.