Sa peur des vampires s’était développé à mesure des terribles histoires qu’on lui avait raconté sur eux, puis avait soudainement pris l’ampleur d’une phobie depuis que son ex belle-mère lui avait fait des avances plutôt effrayantes. Alors, dans cet école, Gabriel ne parvenait pas à trouver sa place entre les loups-garous et les vampires. Il ne les appréciait pas, les éviter comme la peste, et par-dessus le marché, il y en avait un qui prenait plaisir à le terroriser. Kwon Isaac, ou l’être le plus détestable de cette horrible école. Il haïssait cet homme parce qu’il en avait affreusement peur mais que, dans un même temps, il se sentait attiré par lui. C’était la première fois qu’il ressentait cela pour quelqu’un d’ailleurs, cet espèce de sentiment électrique qui traverse le corps et procure une douce chaleur dans le bas ventre. Seulement aujourd’hui, les choses étaient allées beaucoup trop loin. Gabriel avait joué avec le feu. Oui, aussi bizarre que cela puisse paraître, il était entré dans le petit manège d’Isaac, l’avait laissé voler son premier baiser avant de répondre à un autre et de lui en offrir un. Il n’aurait pas dû, il s’en mordait les doigts à présent. Mordre, voilà qui était bien ironique, il venait de se faire mordre justement. Là, dans le cou, et ça le brulait. Il avait l’impression qu’on lui enfonçait un poignard à l’emplacement de sa blessure. En fait, il avait si mal, qu’il ne trouvait pas la force de se relever, alors qu’Isaac était déjà parti depuis une bonne dizaine de minutes. Même son chaton semblait inquiet pour lui, il se frottait contre Gabriel en miaulant faiblement. Dans les cachots, raisonnaient les sanglots du jeune Belka qui hurlait sa douleur à pleins poumons. Pauvre enfant, pauvre enfant sali. Si son père apprenait ceci, il le fera quitter l’école sur le champ. Alors en plus, pour la première fois de sa vie, il n’allait pas pouvoir se confier à lui. Quel monstre cet Isaac. Le pire de tous.

Difficilement, il tentait de se calmer. Bientôt, ce ne fut plus que des larmes silencieuses qui coulaient sur ses joues. Alors, il se décida à rassembler ses dernières forces dans le but de se mettre sur ses pieds. Il tituba d’ailleurs légèrement. Parce qu’il était sous le choc de ce qui venait de se passer, et par-dessus tout sous la douleur, il se trouvait dans l’incapacité même de réfléchir. L’image d’Isaac s’imposait sans cesse à son esprit. Comment avait-il pu lui faire ça ? Gabriel ne se trompait donc pas sur son compte, cet homme ou plus exactement ce vampire était bien le diable en personne. Un être sans cœur, sans humanité. En grimaçant, sa main posée sur son cou à l’endroit où le giena avait enfoncé  ses dents, et qui saignait encore légèrement d‘ailleurs, il rejoignit les couloirs de l’école. Ces derniers étaient vides, la plupart des élèves devaient être encore en cours, ou pour ceux qui avaient la chance d’avoir un emploi du temps de loup-garou dans leur lit. Gabriel ne se sentait pas retourner à son dortoir dans cet état, ses colocataires de chambre allaient sans doute l’entendre pleurer et soit se moquer de lui ou si il décidait de leur raconter ce qu’il s’était passé l’envoyer à l’infirmerie.

Pourtant, même s’il n’avait pas envie de se rendre à l’infirmerie, ce fut bien jusque là que ses pieds le guidèrent. Pourquoi ? Probablement parce que l’une des infirmières était comme une mère pour lui. Il n’avait pas eu la chance de beaucoup connaître la sienne, alors il appréciait énormément que Lin le prenne sous son aile (même si il prétendait le contraire). Devant la porte, il hésita tout de même un instant. Et si ce n’était pas elle qui était de garde cette nuit ? Que ferait-il ? Il se mordit très légèrement la lèvre, avant de grimacer parce que sa morsure élançait des piques de douleur. Alors sans prendre la peine de toquer, il appuya sur la poignet de sa main libre et ouvrit la porte qui grinça dans un bruit aiguë fort désagréable. Un coup d’œil à gauche, un coup d’œil à droite, ah, elle est là. Se mordant la lèvre pour retenir un sanglot qui venait de lui remonter à la gorge, il fixa la jeune infermière avec une bouille d’enfant battu. Il avança doucement jusqu’à son bureau, et arrivé à sa hauteur, baissa la tête, enleva sa main de sa morsure avant de recommencer à chaudes larmes.