Il est rare de voir Adelheïd sur un balcon le matin. Presque impossible même. Les balcons n'étaient pas ses endroits préférés. Elle était plutôt terre à terre. Les vampires, contrairement à certaines légendes, ça ne sait pas voler. Et elle avouera qu'elle n'a jamais tenté et ne tentera jamais de sauter du toit pour savoir avec quels dommages ressort un vampire après une chute vertigineuse. Non, elle n'a pas le vertige, mais elle n'est pas casse-cou, nuance. Il y avait le soleil également qui rendait la chose presque impossible. Adelheïd ? Dehors ? En plein jour ? Avec sa phobie du soleil ? Vous pigez l'erreur ? Alors pourquoi était-elle là ? Pourquoi était-elle sur ce balcon aussi tôt le matin ? Pourquoi avait-elle abandonné ses runes pour se couvrir d'une cape et de gants noirs et se retrouver dans ce lieu si particulier ? A vrai dire, elle devait l'avouer, il lui avait manqué. Toutes les vacances sans se voir et voilà qu'ils étaient tous les deux bien pris cette année. Il avait beau être très agaçant, elle avait beau l'envoyer voir ailleurs à chaque fois qu'il commençait son manège de drague, il manquait quelque chose quand elle ne le croisait pas pendant la semaine. Était-ce cela l'amitié ? Il semblerait. Il semblerait qu'elle ait du mal à se passer de son ami de loup-garou. Pourtant, ce genre de relation n'est pas gagnée entre les deux espèces. Les parents de la jeune fille la mettrait au bord de l'agonie s'ils l’apprenaient. Mais que pouvait-elle y faire ? Elle s'y était attachée. Comme un jeu du chat et de la souris sans fin. Si le chat n'est pas là, la souris finie par s'ennuyer et, à force d'attendre, va titiller le chat. Sauf que le chat ne semblait pas être dans son assiette aujourd'hui. Totalement K.O. La jeune vampire ne pensait pas que les loup-garous, avec leur air de bonne santé et de bien portant constant, pouvaient se retrouver autant malades.

« Il fait moche. » Adelheïd releva la tête et contempla le ciel. De gros et lourds nuages gris les menaçaient de déverser un torrent sur eux. De plus le vent était glacial. Enfin, il devait l'être davantage pour le loup-garou que pour la vampire. Celle-ci sourit en voyant que le soleil ne se libérerait pas de sa prison de nuages avant un bon moment. « Ça m'arrange. » répondit-elle de sa voix douce, de cette voix qui semblait respecter le silence lui-même. En effet, ça l'arrangeait : s'il ne faisait pas aussi moche comme il disait, elle ne se serrait jamais permise de sortir en plein jour et de le voir. Sa phobie du soleil est terrible et voir son ennemi juré ainsi prisonnier la rendait heureuse. Enfin... ça l'aurait rendue heureuse si elle ne s'était pas inquiétée pour Kanye : on l'aurait dit en train d'attendre la faucheuse. Et boire quelque chose de froid, et fumer n'étaient pas des actions qui allaient arranger son état. Le faisait-il exprès pour envenimer les choses ? Voulait-il se rendre mourant ou simplement pathétique pour la draguer plus facilement ? Il n'en était pas à ce point,n'est-ce pas ? De toutes façons, il savait qu'elle ne céderait jamais, quoi qu'il fasse. Il était un loup-garou et elle était un vampire. Fait indéniable et inébranlable qui transforme pour la petite vampire la drague qu'il lui fait en simple rigolade de conquérant. Elle l'entendit cracher ses poumons avant qu'il ne crache véritablement en bas du balcon. Elle sortit alors de ses pensées et l'observa. Leurs regards se croisèrent et il ne put s’empêcher de jouer le fier en lui faisant un clin d’œil avant de regarder ailleurs à nouveau. Elle, elle ne cessa pas de le regarder. A quoi pouvait-il bien penser pour se mutiler davantage qu'il ne l'était déjà ?

« J’ai oublié de te demander… » Du coréen. Comme si elle allait le comprendre. Peut être devait-elle faire un effort et apprendre deux-trois mots, juste pour les moments comme celui-là : faire fonctionner un cerveau dans un corps malade est difficile, même pour un Olen. Alors pour un Kaban... Néanmoins, il corrigea son erreur en tentant avec son accent si particulier et assez mignon, elle devait le reconnaître : « Je veux dire, ça te dérange si je.je…je. » Il montra la cigarette. Un vampire n'a pas nécessité absolue de respirer. C'est juste qu'il faut expirer pour sortir des sons et parler. Goûter l'air n'est pas vraiment l'activité principale de cette espèce. Donc non, ça ne dérangeait pas Adelheïd. Et ce n'était pas dans la nature de l'Olen de mentir. Cependant, le fait qu'il fume dans son état l'inquiétait. «  Si tu fumes ? » précisa-t-elle pour qu'il sache quels termes employer pour la prochaine fois. « Non. Mais si je te demande d'arrêter jusqu'à ce que tu sois guéri, le feras-tu ? » Elle ne pensait pas avoir ce genre de pouvoir sur lui. La réponse était donc pour elle cousue de fil blanc. Ou alors jetera-t-il sa cigarette sur l'instant mais en reprendra-t-il une aussitôt que la petite vampire sera partie.

Adelheid, tu n’as pas froid ? Tu ne veux pas ma veste? » Et alors qu'il était déjà en train de l'enlever alors qu'elle n'avait pas encore répondu, il lui sembla que Kanye était en train de tomber. Ou était-il en train de se jeter dans le vide ? Mais comment pouvait-on avoir une situation aussi précaire sur le bord d'un balcon ? Vivement, Adelheid le pris par son pull, dans le dos au niveau des omoplates et tira de toutes ses forces. Peur passagère qui l'a fait sur-réagir. Heureusement pour lui que les vampires sont aussi forts et rapides que les loups-garous. Enfin... quand ils sont bien portant. Et ce fut plus heureux pour la rapidité que pour la force car avec la force qu'elle a utilisé, le Kaban s'est retrouvé face la première contre le béton du balcon. Pouvait-on être aussi bête ? Adelheïd se précipita pour s'agenouiller auprès de lui et voir les dégâts. « Ça va ? » demanda-t-elle, une pointe d'anxiété transperçant sa voix. A vrai dire, elle avait été et était toujours à cet instant morte de peur. Mais une vraie dame ne devait montrer ses sentiments à aucun moment. Elle le détailla rapidement ; heureusement, plus de peur que de mal. Du moins d'après ce qu'elle voyait de l'extérieur. Elle ne put s’empêcher de soupirer tandis qu'elle s'asseyait à ses côtés. Était-ce par soulagement ou par exaspération ? « Garde-la donc, ta veste ! Tu en as plus besoin que moi. Et par pitié, ne tente plus de te tuer...... au moins jusqu'à ton rétablissement. » Elle avait beau essayer de paraître calme, sa voix était sèche. Elle tentait de paraître indifférente qu'il saute mais la vérité était qu'elle ne l'était pas. Qui l'arracherait de ses livres pour la détendre par ses plaisanteries de drague idiote s'il n'était plus là ? Elle l'avoue, elle avait eu peur. Et elle en lui voulait qu'il lui ait fait peur ainsi. Ce n'était pas des choses à faire devant la personne qu'on disait aimer. « Tu veux aller à l'infirmerie? » demanda-t-elle par acquis de conscience. Après tout, il était possible que le choc était plus grave qu'il n'en avait l'air. Et puis, vu son état actuel global, ce ne serait peut être pas du luxe.